Suche einschränken:
Zur Kasse

Une leçion de flûte avant de mourir

Bovard, Jacques-Étienne (CH)

Une leçion de flûte avant de mourir

Belle histoire d’amitié, Une leçon de flûte avant de mourir, de Jacques-Étienne Bovard, marque une avancée de l’écrivain dans le sens de l’empathie.

Avec quatre romans et deux recueils de nouvelles, dont les très populaires Nains de jardin, Jacques-Étienne Bovard est devenu, avant le cap de la quarantaine, l’un des auteurs romands les plus appréciés du public. Cela ne fâche que les fâcheux, mais ce qui nous réjouit plus encore tient au constant élargissement des registres de l’écrivain, et à l’approfondissement de sa perception des choses. La transition des Nains de jardin au roman plus ample et plus grave que constituaient Les Beaux Sentiments fut très remarquable à cet égard, et c’est un pas de plus encore qui nous semble franchi avec Une leçon de flûte avant de mourir. De fait, le romancier parvient à y combiner son goût de la pointe satirique (avec le portrait carabiné d’une concierge acariâtre) et les éléments d’une observation plus généreusement empathique, qui s’incarnent notamment dans le très beau personnage d’un vieil homme revivant positivement dans le partage de sa passion pour la musique.

Veine caustique

Le premier attrait du nouveau roman de Jacques-Étienne Bovard tient cependant à la veine caustique de l’écrivain qui excelle à brocarder les traits et travers de comportements et de langage du Suisse moyen, proche en cela d’un Hugo Loetscher ou d’une Zouc. Sa Mme Mala­mondieu, type de la concierge régnant sur ses locataires en véritable Cerbère, symbolise (jusqu’à l’outrance) l’esprit terre à terre et même mesquin pour qui tout ce qui est artiste, étranger ou dérogeant tant soit peu à la norme ne mérite que soupçon. Gilles Vanneau, fringant étudiant de vingt-trois ans qu’elle accueille en ces lieux où il va louer un deux-pièces cuisine à trois cent quatre francs par mois (une sacrée chance, pour vous…) et qu’elle tâche de mettre dans sa poche, passera vite lui-même dans le clan de ses ennemis jurés, jusqu’au dénouement tragique (à la limite de la vraisemblance, à notre goût) dont elle fera les frais par sa propre faute.

Hommage à Mercanton

Cela étant, le personnage dominant du roman est d’une autre étoffe, que la dédicace du livre (À la mémoire de Jacques Mercanton) permet d’identifier, en partie tout au moins. De fait, ceux qui ont connu l’écrivain ne pourront que se le rappeler en découvrant le superbe personnage d’Édouard, qui en incarne une projection romanesque à valeur d’hommage.
Virtuose du violon dont la carrière n’a pu s’épanouir, l’octogénaire veuf Édouard Laroche passe des heures au violon et au violoncelle qui lui valent la vindicte de la terrible Malamondieu. Or l’arrivée de Gilles Vanneau, qui a des années de violon derrière lui et d’insoupçonnées ressources de sensibilité, va le faire repiquer dare-dare en ramenant Gilles à son instrument. D’abord un peu réticent, le jeune homme se prend au jeu, puis le duo se mue en trio après la rencontre faite par Gilles d’une craquante jeune Aude aussi charmante que douée pour le piano. Le point culminant du roman est d’ailleurs le moment où, réunis chez Édouard pour y jouer le trio dit L’Archiduc, de Beethoven, les trois amis vivent ensemble la musique de ce bon Dieu de tellement généreux génie. Un thème du trio retentit en outre comme l’adieu d’Édouard à la vie, ainsi que le ressent son jeune compère à la reprise du premier mouvement de l’œuvre : {...} la mort était là, le départ, la séparation, toutes les fins possibles, lucidement, sereinement vues et acceptées {...}.

Trésor en partage

Les thèmes dominants d’Une leçon de flûte avant de mourir sont à la fois ceux de la filiation et de la reconnaissance réciproque entre générations. Le motif central est le partage d’un trésor qui relève à la fois du savoir et de l’expérience existentielle, de l’art de vivre et de l’art tout court. Rien là-dedans de la thèse, mais une façon de jouer des personnages, affectivement très vibrants, comme de véritables instruments de musique se révélant l’un l’autre. Cette manière concertante d’évoquer les relations humaines est d’autant plus émouvante et belle, ici, que l’atomisation et la solitude, le rejet des vieux ou l’éclatement de la communauté fondent le bruit du monde actuel. À celui-ci, Jacques-Étienne Bovard oppose la musique des êtres sans se perdre dans l’évanescence. Ainsi la pauvre Malamondieu fait-elle finalement partie du concert dont la résonance intime, après lecture, mêle le rire et la peine, la joie de vivre de la jeunesse et la mélancolie du grand âge, les humeurs quotidiennes et leur sublimation mélodieuse.

JEAN-LOUIS KUFFER, 24 Heures

CHF 16.00

Lieferbar

ISBN 9782882413017
Sprache
Buchpreis
Verlag Bernard Campiche
Jahr

Kundenbewertungen

Dieser Artikel hat noch keine Bewertungen.